Rencontre avec Hikaru Nakamura

À l'occasion de la venue de Hikaru Nakamura, auteur des Vacances de Jésus et Bouddha, dans le cadre du Salon du Livre du 22 au 25 mars 2013, les éditions Kurokawa nous ont accordé une rencontre avec la célèbre mangaka pour aborder sa carrière et son succès. Merci à Grégoire Hellot et Charlotte Marquevielle pour leur aide pour cette interview.

 

Tout d'abord, bonjour et merci d'avoir accepté cette interview. 

C'est tout naturel.

Pourriez-vous commencer par nous décrire votre agenda pour travailler sur un manga ?

Quand je travaille, voilà ma journée-type : Je me réveille, je vais au café du coin, je mets mon casque sur mes oreilles et je travaille sur mes storyboards toute la journée. Ensuite, s'ils sont validés, je consacre les trois jours suivants à réaliser mes planches. Une fois qu'elles sont prêtes, il reste deux jours à mes quatre assistants pour encrer le tout. Je commence vers dix heures du matin jusqu'à environs dix heures du soir.

Les Vacances de Jésus et Bouddha est un manga comique, où puisez-vous votre inspiration pour vos gags ?

Je travaille beaucoup sur le comique de situation. Quand je suis au café, je commence par imaginer un lieu ou une situation avec un potentiel humoristique. 

Tout le monde ne rit pas de la même chose… Testez-vous vos gags sur d'autres personnes ?

Non, je ne les montre pas, à part à mon éditeur, évidemment, à chaque nouveau chapitre. J'aurais trop peur de m'apercevoir que certains tombent à plat ! [Rires] J'ai conscience que mon humour ne plaît pas forcément à tout le monde, et je préfère ne pas voir leur réaction.

Au vu du succès de votre manga, on constate quand même que votre humour plaît à une bonne majorité de personne.

C'est vrai... Beaucoup de gens m'ont dit qu'ils trouvaient mon manga amusant lors de la dédicace. Ca m'a fait extrêmement plaisir !

Comment réagissez-vous face à l'engouement que suscite votre œuvre en France ?

Je n'ai pas du tout conçu Les Vacances de Jésus et Bouddha comme un manga à visées internationales. Je pensais au contraire m'adresser à un public plutôt restreint. J'ai été très touchée et vraiment surprise de voir des personnes issues d'une autre culture et d'univers différents l'apprécier.

Cette prise de conscience va-t-elle influencer vos prochains chapitres ?

J'ai eu la chance de passer une nuit au Mont Saint-Michel. Les anges et les archanges comme Saint Michel sont encore plus vivants dans mon imagination grâce à cette expérience. Ils auront certainement une place plus importante dans l'histoire dorénavant.

Justement, comment déterminez-vous les caractères des apôtres, des archanges... Vous inspirez-vous de votre entourage ?

Il y a certains personnages qui me sont apparus tout seuls, comme par exemple Ananda, le disciple de Bouddha. Quand j'ai commencé à me renseigner sur le bouddhisme, j'ai parcouru de nombreux ouvrages sur le sujet. Le personnage a pris vie petit à petit au fil de mes lectures. Par contre, pour les quatre archanges de Jésus, je me suis inspirée de membres de ma famille. Ils sont d'un naturel angoissé, et passent leur temps à s'inquiéter pour moi, pour ma santé…

Dans la même logique, peut-on en déduire que Jésus et Bouddha sont inspiré de votre propre personnalité ?

On retrouve en effet en eux certains traits qui me caractérisent, mais pas seulement ! Pour ce duo de choc, j'ai surtout été inspiré par ma grande sœur et son mari. Ma sœur est très terre à terre, contrairement à son mari plutôt rêveur, qui travaille dans le milieu du jeu vidéo. J'ai repris quelques anecdotes de leur couple pour mon histoire, comme par exemple ma sœur qui cuisine un plat et qui dit à mon beau frère de ne pas y toucher pour ne pas tout gâcher. [Rires] Je pioche un petit peu partout, chez mes amis, ma famille…

Quels sont les aspects tirés de votre personnalité ? Etes-vous plus Jésus ou Bouddha ?

Pour prendre un exemple assez précis, comme Jésus, j'aime beaucoup les jeux vidéo. [Rires] Ensuite, quand j'arrive dans un lieu que je ne connais pas, j'ai moi aussi envie de me mettre à courir partout. Ma famille est également très protectrice, ils passent leur temps à me dire de revenir à la maison, exactement comme Jésus et ses parents. Il réagit de la même manière que moi à ces démonstrations d'affection touchante et étouffantes à la fois.

Pour ce qui est de Bouddha, c'est surtout quand il se met à dessiner des manga... Il veut les montrer mais il n'ose pas... C'est vraiment quelque chose que j'ai ressenti quand j'ai commencé à montrer mes planches aux éditeurs pour les concours de manga.

Tout à l'heure vous évoquiez vos nombreuses lectures sur le bouddhisme. Avez-vous également étudié les différents écrits bibliques ?

Tout à fait. Je m'intéresse beaucoup à ces deux religions. J'ai lu énormément d'ouvrages sur les deux. Je suis passionnée par de nombreuses religions, comme par exemple la mythologie grecque.

Moi aussi ! Peut-on s'attendre à voir arriver de nouveaux personnages issus d'autres croyances ?

De temps en temps, si vous faites bien attention, vous verrez filtrer deux trois éléments de mythologie grecque par-ci par-là. Il y a un petit gag à propos de Zeus dans un tome qui n'est pas encore sorti en France.

Est-ce qu'il y a des sujets religieux ou autres que vous refusez d'aborder ?

Je n'aime pas la violence, donc je ne dessinerai jamais des scènes agressives ou des combats qui ne termineraient pas par un gag. Et surtout jamais de comparaison. Mon but n'est pas de valoriser une croyance par rapport à une autre.

Parlons un peu du film d'animation qui va sortir bientôt. Dans quelles circonstances l'élaboration de ce film s'est-il décidé ?

M. Furukawa de Kôdansha prend la parole.

Le manga de Mlle Nakamura a tout de suite connu un grand succès au Japon. Les propositions d'adaptation ont fusé de toutes parts. Mais il était clair pour nous que nous n'allions pas nous jeter sur la première proposition venue. Nous voulions prendre notre temps, et attendre le bon moment. Nous avons attendu une proposition qui correspondait à nos critères artistiques, qui respectait l'univers créé par Mlle Nakamura, et qui était accessible au grand public. C'est ainsi que le film d'animation a vu le jour. Lorsque le premier tome est sorti, nous avons reçu six propositions de dessin animé et de drama !

Les Vacances de Jésus et Bouddha a beaucoup marché au Japon grâce au bouche à oreille, à Twitter et aux blogs. Kôdansha a préféré laisser la communauté de fans se constituer naturellement plutôt que d'accélérer le mouvement en mettant des pubs partout, comme un rouleau compresseur marketing sans âme. C'est dans cet état d'esprit que le film a été réalisé. Avec le huitième tome, nous avons dépassé les dix millions d'exemplaires, mais on ne communique pas là dessus. Au Japon, d'habitude, quand un manga atteint un nombre important de lecteurs, on colle une étiquette "Plus de X milliers (ou millions) de lecteurs !" sur le livre. On ne l'a jamais fait pour Les Vacances de Jésus et Bouddha.

Nous avons révélé ces chiffres il y a peu de temps, les gens tombaient des nues, ils ne pensaient vraiment pas que ce manga se vendait si bien. [Rires]

Mlle Nakamura, est-ce que vous vous êtes impliquée dans la réalisation de l'anime ?

Pas vraiment.

L'aventure hors-série Saisei Sentai Holy Men, où les deux prophètes deviennent membres d'un groupe sentai, va-t-il avoir une suite ?

J'adore le sentai et j'aimerais beaucoup écrire la suite, mais je n'en ai pas encore eu l'occasion ! [Rires]

Trouvez-vous encore du temps pour vous consacrer à vos autres passions, comme les jeux vidéos et la lecture ?

Avant de devenir maman d'une petite fille, je prenais sur mon temps de sommeil. Depuis que j'ai un bébé, ce n'est hélàs plus possible !

Dans quelques années, vous pourrez jouer à la Playstation 4 avec votre fille !

J'ai hâte que ça arrive ! [Rires]

Mlle Nakamura, vous avez spécifié ne pas souhaiter répondre à ce genre de question, je m'adresse donc à M. Furukawa. Avez-vous un message à adresser au public français ?

Les Vacances de Jésus et Bouddha est un manga qui touche un large public. On y trouve beaucoup de gags de situations, mais ils font souvent appel à une certaine culture, il touche donc autant les fans de manga, que les personnes qui connaissent les religions abordées. La plupart des gags de références renvoient le lecteur à un univers qui lui est familier. L'accueil du public français en est la preuve vivante. Nous en sommes très heureux, et nous remercions chaleureusement tous les fans français pour leur accueil, leur gentillesse et l'intérêt qu'il porte à Jésus et Bouddha.

Merci beaucoup pour le temps que vous avez bien voulu me consacrer.

Je vous en prie.

Le temps d'une interview étant limité, il faut se consacrer à certains thèmes. Mais vous pouvez retrouver d'autres questions sur Journal du Japon.

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