La Colline aux coquelicots

Il est né le divine enfant…Oui, le début d'année est désormais le rendez-vous des fans d'animation japonaise grand public avec la projection sur nos écrans de cinéma d'un film du studio Ghibli… Alors après Arrietty l'année dernière, La Colline aux Coquelicots sonne particulièrement comme le film qui réunit les Miyazaki pères et fils. Seconde réalisation de Goro après le très polémique Contes de Terremer, ce nouveau film est-il au niveau des attentes ?

 

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L'histoire

Yokohama, 1963. Umi est une jeune lycéenne qui vit dans une vieille bâtisse au sommet d’une colline surplombant le port de Yokohama. Chaque matin, depuis que son père a disparu en mer, elle hisse deux pavillons face à la baie, comme un message lancé à l’horizon. Au lycée, quelqu’un a même écrit un article sur cet émouvant signal dans le journal du campus. C’est peut-être l’intrépide Shun, le séduisant jeune homme qu’Umi n’a pas manqué de remarquer...

Attirés l’un par l’autre, les deux jeunes gens vont partager de plus en plus d’activités, de la sauvegarde du vieux foyer jusqu’à la rédaction du journal. Pourtant, leur relation va prendre un tour inattendu avec la découverte d’un secret qui entoure leur naissance et semble les lier… Dans un Japon «entre tradition et modernité», à l’aube d’une nouvelle ère, Umi et Shun vont se découvrir et partager une émouvante histoire d’amitié, d’amour et d’espoir.

Retour vers le passé

Pour une fois depuis longtemps, le studio Ghibli nous livre un film où le fantastique s'avère absent de bout en bout. Point de fantômes, esprits de la forêt ou même de “petites gens” ici. En guise de dépaysement, la Colline aux Coquelicots nous offre un voyage dans le temps. Retour dans les années 60, ce film nous ramène dans un Japon qui n'existe plus. Dans une époque où la jeunesse tente de se forger une identité propre, loin des errements du passé et du traumatisme qui a suivi la défaite.

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On y suit donc deux adolescents “comme les autres” : Umi, qui aide à la pension où elle vit, se retrouve bientôt happée par l'enthousiasme du club de journalisme, bien décidé à sauver le foyer étudiant. Et Shun, leader charismatique du club, très rapidement attiré par elle. Les choses suivent leur cours dans une description d'un quotidien délicieusement désuet, rythmé par les obligations de chacun. Mais bientôt, les fantômes du passé les rattrapent et Umi et Shun découvrent un secret aussi surprenant qu'embarrassant.

Miyazaaaaki !! Père & fils…

 

Goro2011

Sous la supervision “bienveillante” de son père, Gorô Miyazaki signe ici son second long-métrage d'animation. Après l'étrange Contes de Terremer, La Colline aux coquelicots est une adaptation du manga éponyme de Tetsurô Sayama et Chizuru Takahashi – qui sort d'ailleurs aux éditions Delcourt en même temps que le film. Ce manga fait partie des lectures familiales et si Hayao envisageait de l'adapter depuis longtemps, Gorô le lisait également très souvent durant son enfance.

Les différentes interviews données par Gorô Miyazaki permettent d'imaginer partiellement les conditions dans lesquels père et fils ont collaboré pour réaliser ce film. Hayao, qu'on sait déjà exigeant, semble très peu patient avec son rejeton et préfère utiliser des moyens détournés pour communiquer avec lui. Il n'est donc pas rare qu'il fasse des remarques à voix haute à une tierce personne en sa présence pour lui transmettre des informations… À la façon d'un Sherlock Holmes s'impatientant tandis que son comparse Watson essaie d'arriver à la même conclusion que lui, Hayao Miyazaki a clairement apporté sa contribution… sans vraiment le faire. À elle seule, cette phrase lâchée par Goro dans une interview pour Télérama (réalisée par le talentueux Stéphane Jarno) explique tout :

Il aime passer à l'improviste et mettre son grain de sel partout. C'est assez perturbant... Il n'a aucune patience et prend rarement le temps d'expliquer. Ce n'est pas un modèle de pédagogie.

Goro Miyazaki dans Telerama

Marcher sur des œufs

Pourtant, le résultat est un film assez réussi, au rythme lent et agréable. Certes, il n'éblouira certainement pas le public comme ont pu le faire certains chefs d'œuvre comme Mon Voisin Totoro ou Princesse Mononoke. Néanmoins, s'agissant de la deuxième réalisation d'un homme qui n'a pas gravi un à un les échelons de l'industrie, le film reste convaincant. Le tableau dépeint retranscrit parfaitement la nostalgie d'une époque disparue telle que la ressentent les personnes de l'âge de Gorô… L'histoire d'amour racontée ici est intéressante et touchante.

Le plus gros problème du film réside dans son équilibre. En effet, toute la première moitié du film est consacrée à poser une ambiance et présenter les personnages… étape essentielle s'il en est. Malheureusement, une fois cette étape passée, il reste trop peu de temps pour mettre en place l'intrigue, créer du suspens, résoudre les problèmes et clore le film. Résultat, à peine le “secret” est-il évoqué qu'il est quasiment déjà réglé. Le spectateur n'a pas le temps de trembler pour les héros !

La troisième, c'est la bonne (?)

On passe clairement un bon moment en regardant la Colline aux Coquelicots, le public ne s'y trompe pas d'ailleurs, si on en juge les résultats préliminaires. Malgré un scénario qui aurait pu être mieux travaillé, la justesse du tableau dressé et l'ambiance générale qui se dégage du film suffisent à en faire une œuvre de qualité. Certes, les fans inconditionnels du studio trouveront probablement que la Colline aux Coquelicots n'est pas inoubliable… il n'en demeure pas moins vrai que les progrès réalisés depuis les Contes de Terremer nous laissent augurer d'un troisième film ayant corrigé les failles du précédent, pour que Gorô Miyazaki puisse enfin prétendre reprendre la succession de “Dieu son père”.

 

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