Si le manga est un “phénomène de mode” depuis plus de 15 ans désormais, le marché a évolué pour passer de quelques sorties par mois à plus d'une centaine. Conséquence, les éditeurs débordent d'imagination pour garder leurs lecteurs… nouvelles éditions, jaquettes collector et surtout, depuis quelque temps, primes promotionnelles en pagaille !!
Lecteur, mon amour…
Avec l'explosion du marché du manga et sa production massive, un constat s'impose : dénicher la perle rare au milieu des piles de nouveautés tient désormais plus de la gageure que du plaisir. Une triste réalité que les éditeurs ont bien compris et qui les pousse à redoubler de roublardise quand il s'agit de lancer une nouvelle série ou renouveler l'intérêt d'un manga fleuve. D'où l'apparition d'opérations commerciales censées doper notre fièvre consumériste. Du shitajiki1 à la paire de tongs en passant par le paréo ou le sac en tissu, les étagères des plus collectionneurs d'entre nous regorgent de primes cadeaux offertes pour l'achat de plusieurs mangas.
Et tout le monde s'y retrouve puisque les lecteurs s'arrachent ces produits exclusifs. Kob, le libraire de Hayaku, nous le confirme :
une prime, ça peut vraiment aider à la vente… quand elle est bien conçue ! Un éditeur ne peut plus se contenter de faire des cartes postales. Mais ce n'est pas pour autant que la prime doit être nécessairement chère… ce qui compte, c'est que l'objet soit original. À ce titre, l'opération bento box de Kazé Manga a vraiment bien marché. Ça ne s'était jamais fait avant et les fans ont adoré !
À ce petit jeu, l'un des plus efficaces est sans conteste Kurokawa qui a probablement été le premier à proposer des primes de qualité et vraiment différentes : verre thermos, trousses en métal, housse pour console portable… l'éditeur met un point d'honneur à inventer très régulièrement le nouveau cadeau que les fans s'arracheront.Là aussi, Kob l'assure : “Sur la longueur, Kurokawa n'a beau pas être sur le marché depuis longtemps, ils ont su faire preuve d'inventivité !”
Et toute les périodes de l'année s'avèrent propices à ce type d'opération : la nouvelle année, la saint-valentin, les vacances d'été, la rentrée, les fêtes… rajouter ça-et-là des dates propres à chaque éditeur (anniversaire, déménagement, lancement de collections, etc.) et vous avez une année riche en cadeau pour qui sait prendre son mal en patience et discute souvent avec son libraire.
Japan Expo, la foire aux cadeaux !
Et le point culminant de cette collectionnite aigüe se situe en plein mois de juillet, durant Japan Expo. En déménageant à Villepinte, les organisateurs prirent un sérieux pari. En effet, en s'éloignant de la capitale, la chute du prix du m2 permettait une croissance sans contrainte de la surface d'exposition, mais au risque que les visiteurs refusent d'ajouter le prix et le temps d'un trajet en RER zone 4 pour assouvir leur passion… Un pari finalement remporté haut la main quand on regarde l'évolution des chiffres de fréquentation du salon, qui frôlait cette année les 200 000 visiteurs !
Japan Expo s'étale désormais sur près de 100 000 m2 et les stands des éditeurs s'apparentent parfois à de vrais villages, en particulier du côté du jeu vidéo, où SEGA, par exemple, proposait cette année une piste de course et un stand de barbe-à-papa… Conséquence : tout comme un livre lancé timidement en librairie se retrouve désormais invisible aux yeux des lecteurs, un éditeur avec un simple stand se noie dans l'anonymat au milieu de ce gigantesque parc d'attraction que devient peu à peu Japan Expo.
Le jeu veut donc que ces mêmes éditeurs ré-exploitent les mêmes filons qu'en librairies pour tirer leur épingles du jeu en salon : on retrouve donc à nouveau, et pour notre plaisir avouons-le, les sempiternelles tongs, thermos et autres cadeaux exclusifs disponibles uniquement sur le stand éditeur, sur lequel les visiteurs retrouveront également des avant-premières ! Et certains éditeurs profitent même des spécificités du salon pour proposer des cadeaux ingénieux comme les fameux éventails, indispensables pour survivre à un salon de japanim… et idéaux pour promouvoir une série. Les visiteurs, ravis de se rafraîchir gratuitement le garderont visible durant tout leur séjour, devenant en échange de vrais panneaux publicitaires sur patte… un deal gagnant-gagnant comme on dit !
La vague déferlante japonaise
Le “marché” de la prime s'est vraiment métamorphosé en quelques années… Des cartes postales et cleaner pour téléphone portable, nous voici désormais avec des cadeaux vraiment innovants. Et cela tient aussi en un point important : l'arrivée des Japonais.
En effet, avec l'explosion de Japan Expo et sa reconnaissance à travers le monde, les éditeurs japonais ont compris qu'ils avaient tout intérêt à s'intéresser à cet événement pour toucher le public français, si friands du cool japan2. Désormais, en plus des habituels stands Glénat, Kana et autres Dybex, vous retrouvez également Tezuka Productions ou Shueisha dans des espaces parfois plus grands que ceux de leurs homologues locaux. Et la présence des éditeurs japonais à Japan Expo apporte ceci, une prise de conscience de notre marché et une meilleure collaboration avec les licenciés français.
Ensemble, l'ayant-droit et le (ou les) licencié(s) travaillent donc pour mettre en avant une licence majeure du catalogue. C'est ainsi le cas de One Piece, qui a été particulièrement présent au cours de Japan Expo 2011 : entre les badges offerts, les canettes de jus de fruits à collectionner… les fans de Luffy étaient aux anges. Dans le même ordre d'idée, Kazé Manga lançait en grande pompe Gate 7, le nouveau manga de CLAMP et proposait pour l'occasion un T-shirt promotionnel, mais dans un packaging original. Il devient donc plus facile pour les éditeurs français d'obtenir une validation pour un objet inhabituel.
Et demain ?!
Clairement, le fan de manga un tant soit peu collectionneur ne peut que se réjouir de cette évolution… Ses étagères déborderont de nouveaux objets insolites que son (ou sa) conjoint(e) regardera d'un œil amusé, jusqu'à ce qu'ils s'accumulent tellement que l'heure du tri s'impose ! Et là, ce sera une autre paire de manche… mais ceci est une autre histoire.