Interview de Raphaël Pennes de Asuka

Interview de Raphaël Pennes, gérant au sein du nouvel éditeur de manga Asuka qui sort prochainement 3 nouveaux titres dont Blackjack de Osamu Tezuka en format bunko et Hungry Heart, la toute nouvelle série de l'auteur de Captain Tsubasa (Olive et Tom en France).

Pourriez-vous nous présenter votre politique éditorial ?

Asuka est née de l’association de deux personnalités : Renaud Dayen 30 ans passionné de BD, Comics et manga et Raphaël Pennes, 27 ans passionnée de manga et d’animation japonaise ayant grandi devant le Club Dorothée !Cette association de personnalité, à donné naissance à une envie commune de fonder une maison d’édition dans le but de faire découvrir des auteurs et des œuvres inconnues du public à forte orientation adulte.

En effet, nous souhaitons avec Asuka, proposer la réunification des publics ayant grandi devant leur poste de TV approchant la trentaine et les lecteurs assidus de franco-belge. Une mission très certainement de longue haleine mais qui nous motive jour après jour, surtout depuis que des chefs d’œuvres tels que Bouddha ou des auteurs tels que Taniguchi sont primés à Angoulême. Grâce au travail de petite main d’artisans de la BD qui ont défendu à contre-courant les mangas en France, nous avons aujourd’hui la chance de pouvoir embrasser l’ambition de prendre la place de maison d’édition manga destinés aux adultes, un peu à l’image des éditions Delcourt/Akata…

Nous privilégions donc les titres aux graphismes travaillés, sortant des sentiers battus des grands shounen ou shoujo, et nous axons nos choix sur des scénarios plus travaillés et plus enclin à l’air du temps.

Le nombre de titres publiés par mois a augmenté de près de 40% en 1 an, ne pensez-vous pas arriver trop tard ? N’avez-vous pas peur de la saturation du marché que tant de fans redoutent ?

Le nombre de titres a effectivement considérablement augmenté, d’une part à cause de l’appétit des lecteurs qui réclamaient toujours plus et toujours plus vite (quand on aime on ne compte pas !) et d’autre part, parce que de nouveaux éditeurs sont apparus depuis fin 2002 (Delcourt, Soleil, Tokebi…) et ont ajouté leurs catalogues sur un marché déjà dense.

Nous sommes effectivement soucieux de ne pas tomber dans cette surenchère de sorties, et c’est aussi une des raisons pour lesquelles nous avons privilégié les mangas plus adultes aux shounen et shoujo déjà fort nombreux sur le marché. Nous avons aussi consciemment choisi de ne pas sortir plus de 3 ou 4 mangas par mois pour ne pas obliger encore plus les lecteurs à faire des choix vis-à-vis de leurs achats.

De plus nous avons pour leitmotiv la prudence : nos tirages et nos frais en général sont volontairement réduit, à la manière des éditions Tonkam, afin de ne pas tomber dans la spirale actuelle qui se résume à dire : « on vend moins d’exemplaires de nos titres alors on double le nombre de sorties ! ».

Mais de toute façon selon nous, ce sont les lecteurs qui détermineront si oui ou non trop de mangas sont publiés tous les mois et les ventes au final ne se résumeront qu’à la qualité ou non des œuvres, du moins nous l’espérons !

En tant que nouvel éditeur, que pensez-vous apporter de plus que vos concurrents déjà implantés sur ce marché ?

Nous espérons vraiment que la rentabilité et le succès d’une œuvre ne se résument pas à simplement apporter quelque chose de plus. Pour nous si une œuvre est aboutie, qu’elle véhicule de l’émotion, de la passion, tout simplement du plaisir lors de sa lecture alors notre mission de découverte sera accomplie.

Nous n’avons pas la science infuse, nous ne prétendons pas faire mieux que les maisons d’édition déjà installées qui ont fait au fil des années, la reconnaissance du manga en France. Nous souhaitons juste avec notre passion que nous partageons avec tous les jeunes et moins jeunes vivrent encore des années de plaisir à découvrir ou redécouvrir des œuvres touchantes.

Je pense qu’Asuka apportera principalement un choix constant qualitatif sur les titres et auteurs proposés, en recul par rapport aux chiffres de ventes généralement déterminant sur les catalogues.

Comment choisissez-vous les titres que vous décidez d'éditer ?

Nous avons jusqu’à maintenant suivi notre instinct, et les conseils d’un ami Japonais, Takanori Uno actuel correspondant pour les éditions Tonkam (où je travaillais), qui a su comprendre notre volonté éditoriale et nous proposer des œuvres et auteurs totalement inconnus en France mais reconnus au Japon.

La situation ayant un peu changé (Asuka devait être une filiale de Tonkam), depuis mon licenciement mes relations avec les amis à Tonkam ont étés mises à mal. Je part donc désormais seul avec Renaud (mon associé et ami) à la recherche de nouveautés à proposer avec l’aide de jeunes lecteurs qui sont nos conseillers en France, et avec l’aide de nos correspondants dans les maisons d’éditions au japon qui nous proposent sans cesse de découvrir des mangas qui correspondent à notre politique éditoriale.

La raison de nos choix au final pour tel ou tel titre, se résume à une seule chose : « Qu’il nous procure de l’émotion ».

Pensez-vous que la prépublication soit viable en francophonie actuellement ? (Shônen collection, Tokebi mag et bientôt Magnolia)

C’est la question du moment, dans les couloirs des maisons d’éditions. Actuellement tous effleurent le rêve de lancer leur propre magazine de prépublication par fierté avant tout. Pour nous, la France n’a pas été conditionnée pour ce genre de procédé. Hormis avec les magazines Disney, le public n’est pas prêt et ne le sera certainement jamais. Il aurait fallu, commencer la prépublication à l’arrivée des mangas en France. Maintenant que les lecteurs sont habitués à acheter tous les deux mois leurs mangas, les mentalités sont installées.

Maintenant, des alternatives existent et Tonkam l’a bien compris. Pour que la prépublication puisse vivre en parallèle des publications classiques, l’éditeur doit avoir une politique claire sur ses volontés avec son magazine. En proposant des œuvres abouties et très attendues du public et surtout en annonçant d’ores et déjà que ces les versions reliées ne sortiront pas en 2004, Tonkam a une politique claire vis-à-vis de la viabilité du magazine et le lecteur n’a pas d’inquiétude. Magnolia proposera toujours des titres de qualité et il sera indispensable de l’acheter pour les découvrir.

Pour Shônen Collection, Pika a eu une approche différente, plus axé sur le test de séries en vue de publication en reliés. C’est une sorte de laboratoire, dans lequel Pika teste des œuvres et leur impact sur le public.

Enfin Tokebi Mag fait de la vrai prépublication mais sur des BD coréennes et sur ce point je pense que les lecteurs de manga ont un blocage pour le moment. SEEBD s’est lancé dans une mission de longue haleine mais leur volonté est de fer et ils réussiront à changer les mentalités.

Que pensez-vous de l'exigence de respect du sens de lecture original, de l'utilisation de la couverture originale et du problème des onomatopées qui sont autant d'exigences des fans envers les versions francophones ?

Le respect des œuvres est pour nous une obligation pas une exigence. Nous, et les autres éditeurs de manga, ne sommes que des maisons d’éditions de transit ! En effet, nous ne faisons pas de création, nous véhiculons le message des œuvres en les proposant en version française. Notre rôle est de traduire et adapter (modérément) les textes pour le public français. Maintenant, il faut relativiser la psychose des fans. Parfois, il est possible de tout faire à l’égal des éditions japonaises mais parfois des raisons techniques, ou tout simplement la volonté des éditeurs japonais nous empêchent de publier les œuvres à l’égal des éditions japonaises. Donc tout comme les autres éditeurs sur le marché nous mettront toujours tout en œuvre pour respecter le travail original des auteurs au niveau des couvertures.

Le sens japonais est une chose déjà réglé, puisque nous publierons toujours les titres en sens japonais. Pour les formats c’est la même chose. Et pour les onomatopées nous ne les retoucherons pas par respect des dessins, nous décidons actuellement si nous les traduirons ou non à la manière des éditions Kana / Dargaud.

La demande pour les mangas de type « seinen » augmente, prévoyez vous de satisfaire ce public ?

Effectivement, le « seinen » sera notre activité principale !

Quel est votre programme pour l'année à venir ?

Nous lancerons nos premiers titres, en mars 2004, à raison de 3 titres par mois et à partir de septembre nous sortirons 4 mangas par mois. Notre site ouvrira fin novembre et sera vraiment actif courant décembre avec une volonté clairement affichée de créer une communauté et un vrai dialogue avec les lecteurs avec entre autres des soirées « chat ».

Nous nous attellerons à quelques autres projet, comme l’édition vidéo avec notre label « Eye Catch », qui sortira quelques DVD encore une fois axé sur des œuvres abouties pour public plus mature avec des OAV et films cultes au Japon et encore inédits en France. Nous avons aussi d’autres petits projets pour étendre nos activités mais on vous en reparlera en 2004 !

Merci de nous avoir accordé cette interview

Merci à vous.


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