Le message qui suit a été posté ce jeudi 31 mars par le président du Centre Culturel Franco-Japonais de Toulouse, Claude Yoshizawa, aussi organisateur du salon "Voyager au Japon" qui se déroulera en parallèle du salon TGS Ohanami du 9 et 10 avril 2011.
Je souhaite vous faire part de sa réflexion, car elle mérite l'attention que justement peu de gens donnent à l'état du pays actuellement. Quid de pleurer sur le sort d'une personne quand il y en a cent mille dans la même souffrance ? Quid d'une catastrophe nucléaire surestimée par des personnes qui se disent compétentes mais qui n'informent que de très peu les populations touchées tandis que les plus éloignées s'imaginent aussi touchées par le phénomène ?
Autant de faits, de questions... qui nous font oublier l'essentiel : le Japon n'est pas un pays qui pourra se relever aussi facilement, et que la réalité est loin de ce que les images rapportées nous imposent aujourd'hui.
Juste 3 semaines après le "Grand séisme" et le début de tout ça, j'ai un sentiment pessimiste ou plutôt de grande gravité sur l'avenir du Japon... A cause du nucléaire, j'ai le sentiment qu'on va aller vers de grandes difficultés au Japon.
Ceci ne remet pas du tout en cause le sentiment (purement personnel) que j'ai vis-à-vis de quelques Français (gouvernants, experts ou médias) qui ont eu dès le début un ton hyper alarmiste, qui ont eu une lecture souvent déformée des événements (notamment avec la comparaison avec Tchernobyl) et envisagé des conséquences qui ne se sont pas produites (le "nuage" sur la France), provoquant des inquiétudes voire des angoisses ou même des paniques, comme en France, l'achat injustifié de capsules d'iodes ou de compteurs Geiger, ou au Japon, le départ de beaucoup de Français qui, en restant, n'auraient au final pas couru plus de risques que tous ceux qui sont demeurés au Japon et y vivent toujours. Et le niveau d'évaluation du risque nucléaire serait-il, à l'heure du bilan final, porté à un 8 qu'on aurait inventé pour ça, au-dessus de Tchernobyl, que je ne me rallierais pas à ceux qui l'ont évalué les premiers à 6, et que j'entends déjà nous dire: "Vous voyez, c'est nous qui avions raison!". Non, au moment où vous l'avez dit, en comparant Fukushima à Tchernobyl, en étant les seuls au monde à évaluer ce désastre à 6 sur une échelle de7, vous avez eu pour moi un discours et une posture bien plus politiques que scientifiques. Ou alors, vous aviez des informations que vous non plus vous n'avez pas dévoilées...
Par contre, coté japonais, si le ton plus rassurant des autorités comme des medias (NHK) a sûrement contribué à ce qu'on a appelé "la dignité" des Japonais et un comportement assez admirable face à la catastrophe, j'ai aussi le sentiment qu'ils n'ont pas du tout évalué les conséquences possibles de cet "accident" nucléaire, et surtout les scénarios les plus graves qui potentiellement pouvaient se produire... et qui, j'en ai aujourd'hui le sentiment, commencent à devenir une réalité.
Par scénarios graves, je ne parle pas que du problème nucléaire. Celui-ci se réglera d'une manière ou d'une autre. Mais sans doute dans des délais beaucoup plus longs qu'on ne l'imaginait au début. Et sans doute avec des conséquences beaucoup plus graves et longues que les autorités ne l'ont envisagé publiquement. Lesquelles exactement? Je n'en sais rien, et je ne me lanceraient pas dans des suppositions. Par contre, j'entrevois aujourd'hui des scénarios d'une bien plus grande gravité, de façon plus globale, dépassant largement le seul problème de Fukushima.
Parce que si on ne parle guère que de celui-là, les dommages provoqués par le séisme et surtout le tsunami sont, au moins pour le Japon, au moins aussi importants que Fukushima. Et je pense possible une grande crise économique et politique au Japon. Des entreprises multinationales très affaiblies dans un contexte déjà en crise de développement depuis assez longtemps, un déficit de compétitivité dans le commerce international à l'heure où d'autres pays asiatiques disputent déjà l'hégémonie japonaise depuis quelques années. Et des centaines PME-PMI noyées dans le tsunami ou acculées à la faillite à cause de ses conséquences. Des centaines de milliers de nouveaux chômeurs...Une crise politique, née d'une défiance et d'une instabilité qui existent depuis déjà longtemps au Japon mais qui risque cette fois d'exploser, cette gestion du problème nucléaire étant la "goutte d'eau" (!) qui fera peut-être déborder un vase déjà bien rempli de doutes, d'amertume, de frustrations... Une crise sociale, dûe aux deux précédentes. Une crise de confiance nationale, en raison d'un doute qui semble exister au Japon sur la capacité de la jeunesse actuelle à rebâtir les régions dévastées, à reconstruire une économie de premier plan mondiale, à se doter d'un système politique nouveau, à imaginer et croire en avenir radieux, comme avait été capable de le faire la génération qui a reconstruit le Japon à l'issue de la seconde guerre mondiale...
A l'heure qu'il est, 21 jours après le 11 mars, au-delà du nombre de morts et de disparus qu'on réévalue à la hausse quotidiennement, au-delà des chiffres sans cesse variants des radiations constatées sur la terre ou dans la mer, le vrai bilan de la catastrophe n'est pas établi et j'ai le sentiment que cela va prendre énormément de temps avant qu'il ne le soit avec certitude et de façon définitive. Et en évaluer les vraies conséquences, pour en retirer les vrais enseignements et enfin avancer dans la bonne direction sera encore plus long...
Mon seul crédo, mon seul espoir et ce pourquoi je veux rester confiant et optimiste : c'est que tout cela concerne le Japon et les Japonais. Je sais que tout est possible avec eux. Ils l'ont prouvé dans le passé. C'est ce qui me donne envie de les aider, même à mon tout petit niveau. Et en constatant qu'il y a en France beaucoup de personnes qui ont aussi une énorme envie de les aider. Pas cette "aide" intéressée des politiques, des industriels ou des commerçants. L'aide sincère et désintéressée de pleins de Français qui tout simplement, adorent ce pays et son peuple.
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